Paris et l'héritage de Marguerite Long

Paris: the piano, a certain legacy

 

(English version below)

Gérard Békerman, Président du Concours Long-Thibaud, nous répond.

FMCIM : Depuis quand le Concours Marguerite Long existe-t-il et qu’est-ce qui en fait sa longévité? 

Gérard Bekerman : Le concours a été créé en 1943. Le premier lauréat fut Samson François. Le jury a été bien inspiré. Samson deviendra l’un des plus illustres pianistes de sa génération. Le succès du Long-Thibaud tient, je pense, à la renommée de ses fondateurs, Jacques Thibaud pour le violon et Marguerite Long pour le piano. Ils étaient, surtout Marguerite, amis de Fauré, Debussy, Ravel, la Reine Elisabeth de Belgique, Cocteau, Picasso, Darius Milhaud, Poulenc, Arthur Rubinstein ou Menuhin, qui présidait également le Concours. J’ai la chance d’être assis dans un beau fauteuil.

Quel est l’héritage de Marguerite Long et comment le Concours Long-Thibaud le perpétue—t-il?

L'héritage n'a pas de passif. Il a à son actif une réputation mondiale, un dévouement profond envers les jeunes artistes, la promotion de leur carrière, l'organisation de concerts prestigieux à des occasions telles que la fête de la Bastille, dans des lieux tels que les Invalides, le Château de Versailles et le Châtelet. Quand on a vingt ans, quel bonheur de rêver de jouer dans des lieux aussi prestigieux ! Le Concours aime transmettre ses traditions.

Marguerite Long et Maurice Ravel

Quelques membres du juryLe Concours Long-Thibaud a sélectionné 32 candidats pour les épreuves qui se dérouleront à Paris cette année, parmi lesquels une grand majorité de représentants asiatiques. Cependant votre Jury ne comprend pas de membre venant d’Asie. Etait-ce un choix?

Non, c’est le hasard des années dicté par la disponibilité des artistes. Nous avons souvent invité des jurés asiatiques mais, vous savez, ce que vous appelez « asiatiques »  ce sont aussi des artistes qui ont souvent été formés dans nos conservatoires européens, notamment en France, puis sont retournés vivre au Japon, en Chine, en Corée. Pour ne parler que de la France, mais je devrais aussi citer l’Autriche, la Russie ou l’Allemagne, les professeurs de ces 32 candidats ont pu être formés par des personnalités comme Geneviève Joy, Eric Heidsieck, Lucette Descaves,  Germaine Devèze ou même Marguerite Long. Les candidats ont beau être d'origine asiatique, ils n'ont pas oublié leur éducation et leur formation européennes.

Quelles sont les qualités qu’un(e) pianiste doit avant tout mettre en avant lorsqu’il ou elle s’inscrit au Concours Long-Thibaud?

Être lui-même. Ne pas chercher à imiter un Cziffra ou un Horowitz. Avoir des doigts solides et une âme encore plus solide et rêveuse. Oublier que le piano, comme disait Rubinstein, c’est 95% de transpiration et 5% d’inspiration. Ces 95% sont pour eux. Mais les 5% qui restent, ils doivent les partager avec ceux qui les écoutent. En fait, la musique est faite pour exprimer une âme. A l’heure de l’intelligence artificielle, rien ne sera plus facile, d’ici quelques années, d’imiter la vélocité, la technique pure, la virtuosité. Mais qui pourra remplacer une âme ?

 

Masaya Kamei, Premier Grand Prix 2022 & l'Orchestre de La Garde Républicaine 📷 © Corentin Schimel

Qui en sont les lauréats les plus prestigieux?

 Ceux que nous révèlerons demain. Et ceux que nous avons révélés dans le passé : Samson François, Ivry Gitlis, Vladimir Feltsman, Elisabeth Leonskaïa, Mikhail Rudy, Brigitte Engerer, Bruno Leonardo Gelber, Akiko Ebi. Je pourrais remplir cette page …

 Enfin, pourriez-vous décrire Paris d’une manière originale, en lien avec l’effervescence artistique qui en fait sa renommée, ou tout simplement nous dire ce qui vous enchante personnellement dans cette ville?

 Paris, c’est l’amour ! Oui, comme vous le dites si bien, une « effervescence artistique ». On n’est jamais seul quand on est à Paris. Bien sûr on peut aimer à Pékin, Séoul, Tbilissi, Münich ou New York, mais Paris, c’est un espace de vie, de liberté, d’art, d’amitié, de partage, de culture.  Paris n’appartient pas qu’aux Français. Heureusement !  Son cœur bat pour toutes et pour tous.  Depuis des siècles, Paris a donné le la ! Bien sûr, je connais beaucoup de villes qui savent aussi donner ce la…

Les lauréats du Concours 2022

 

English version

PARIS AND THE MARGUERITE LONG LECACY, an interview with Gérard Bekerman, President of the Long-Thibaud Competition

 

WFIMC: - How long has the Marguerite Long Competition been around, and how do you account for its longevity?

G.B. The competition was created in 1943. The first winner was Samson François. The jury was well inspired. Samson went on to become one of the most illustrious pianists of his generation. The success of the Long-Thibaud is due, I believe, to the renown of its founders, Jacques Thibaud for the violin and Marguerite Long for the piano. They were, especially Margueritte, friends of Fauré, Debussy, Ravel, Queen Elisabeth of Belgium, Cocteau, Picasso, Darius Milhaud, Poulenc, Arthur Rubinstein and Menuhin, who also presided over the Competition. I'm fortunate to be sitting in a beautiful armchair.

- What is Marguerite Long's legacy, and how does the Concours Long-Thibaud perpetuate it?

The legacy has no liabilities. To its credit, it has a worldwide reputation, a profound dedication towards young artists, to promoting their careers, organizing prestigious concerts on occasions such as Bastille Day, at places like the Invalides, the Château de Versailles and the Châtelet. When you're 20 years old, how wonderful it is to dream of playing in such prestigious venues! The Competition loves to carry on, to pass on its traditions.

 The Concours Long-Thibaud has selected 32 candidates for this year's competition in Paris, many of them from Asia. However, your Jury does not include any members from Asia. Was this a choice?

No, it's a matter of chance over the years, dictated by the availability of artists. We have often invited Asian jurors, but you know, what you call “Asians” are also artists who have often trained in our European conservatories, notably in France, and then returned to live in Japan, China or Korea. To speak only of France, but I should also mention Austria, Russia or Germany, the teachers of these 32 candidates may have been trained by the likes of Geneviève Joy, Eric Heidsieck, Lucette Descaves, Germaine Devèze or even Marguerite Long. Candidates may be of Asian descent, but they haven't forgotten their European education and training.

- What qualities should a pianist emphasize when entering the Long-Thibaud Competition?

To be himself. Not trying to imitate a Cziffra or a Horowitz. To have strong fingers and an even stronger, dreamier soul. To forget that the piano, as Rubinstein used to say, is 95% perspiration and 5% inspiration. That 95% is for them. But the remaining 5% must be shared with those who are listening. In fact, music expresses a soul. In our age of artificial intelligence, nothing will be easier, in a few years' time, than to imitate velocity, pure technique and virtuosity. But who can replace a soul?

- Who are the most prestigious winners?

Those who will be revealed tomorrow. And those we have revealed in the past: Samson François, Ivry Gitlis, Vladimir Feltsman, Elisabeth Leonskaïa, Mikhail Rudy, Brigitte Engerer, Bruno Leonardo Gelber, Akiko Ebi. I could fill this page ...

- Finally, could you describe Paris in an original way, in line with the artistic effervescence for which it is famous, or simply tell us what you personally love about the city?

Paris is Love! Yes, as you so aptly put it, an “artistic effervescence”. You're never alone when you're in Paris. Of course, you can love Beijing, Seoul, Tbilisi, Munich or New York, but Paris is a place for life, freedom, art, friendship, sharing and culture. Paris doesn't just belong to the French. Fortunately! Its heart beats for everyone.  For centuries, Paris has set the pace! Of course, I know many other cities that also know how to set the tone...

Gérard Békerman, President of the Long-Thibaud Competition

Marguerite Long with Bourvil and Gilbert Bécaud